mardi 10 juin 2008

Les nouveaux patrons sont gentils...

Malgré de considérables efforts, il est devenu difficile pour les médias de défendre bec et ongles les pratiques du patronat français. Ce n'est pas que la mauvaise foi fasse peur à ces journalistes qui ont dédié leur vie à la propagande néo-libérale, mais il existe des limites à toute opération commerciale. N'importe quel publicitaire (journaliste) vous le dira, il faut savoir prendre le consommateur (citoyen) pour un con, mais pas trop. Question d'éthique.

Devant l'incapacité à justifier les stocks-options, les parachutes dorés, les salaires mirobolants qui augmentent chaque année, les licenciements massifs, la caisse noire de l'UIMM et la gestion globalement nullissime des entreprises, la force médiatique se devait donc de trouver un nouvel angle d'attaque (ou de défense).

Depuis quelques années, on assiste ainsi à la montée, je cite, "d'une nouvelle génération de chefs d'entreprises", qui, juré-craché, sont honnêtes, travailleurs, et vont faire table rase de toutes ces pratiques d'un autre âge. On entre dans l'ère du capitalisme éthique. Tout un programme.

J6M a dépoussiéré l'image du patronat Français


Les porte-micros du grand capital avaient déjà rodé leurs discours lors de l'arrivée à la tête du MEDEF de Laurence Parisot. On allait voir ce qu'on allait voir, c'en était fini des barons de la métallurgie, de ces héritiers des patrons collabos, le MEDEF entrait dans la modernité et le dialogue social allait être rénové. Bref rien de moins qu'une révolution. Quelques saillies bien senties sur la nécessaire précarité du travail et la liberté de penser bafouée par le code du travail allaient remettre à sa place la révolution culturelle patronale annoncée. L'arrêt de mort de cette stratégie aurait dû être signé avec le scandale de la caisse noire de l'UIMM. Les dénégations ridicules de la cheftaine du MEDEF et ses effets de manche ne trompèrent personne. Mais les suppôts du grand capital n'allaient pas lâcher en rase campagne leur nouvelle mascotte. Et c'est ainsi que fut déclenchée la grande offensive médiatique sur le renouvellement de la classe dominante.

Cette tactique, d'une subtilité de Panzer, consiste d'abord à développer l'idée qu'il existe deux patronats. Les méchants, ceux qui t'exploitent, qui collaborent avec les nazis, qui détournent de l'argent, qui se goinfrent à la sueur de ton front, et les gentils, la majorité bien sûr, qui ne sont pas des patrons d'ailleurs, mais des entrepreneurs, qui créent de la richesse, qui prennent des risques, des self-made-man, au service de leurs salariés.
Ensuite, il s'agit d'affirmer à longueur de journaux, que les méchants patrons sont des vieux, qui s'accrochent à leur pouvoir, mais que d'ici peu, ils seront tous morts et qu'enfin les gentils vont arriver et tout va aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.
En résumé: d'accord mon gars c'est choquant ce qu'ils font ces salauds de patrons, mais c'est bientôt fini, alors fais pas le con, fais pas la révolution, le grand soir c'est Laurence qui va te l'offrir sur un plateau, soutiens-là dans son combat.

C'est la lutte finale


Le Monde nous offre ce jour un magnifique exemple de cette propagande avec un article insolemment intitulé, Patron de choc. Il s'agit d'une hagiographie du nouveau patron de l'Unedic , un des patrons gentils sus-cités. Geoffroy Roux de Bézieux, c'est son patronyme (qui il faut l'avouer sent moyennement la révolution culturelle et le self-made-man), est ainsi "le gendre, le fils, le mari idéal. Beau gosse, intelligent, sportif, de bonne famille, riche". On sent la journaliste au bord de l'orgasme. Et donc c'est un gentil puisqu'il se définit lui-même comme "un patron citoyen qui veut participer à la vie de la cité" et qu'il fait partie du bon camp. En effet, "au Medef, tous n'ont pas apprécié que Mme Parisot choisisse cet homme de 46 ans, extérieur aux instances dirigeantes de l'organisation patronale et novice en paritarisme, pour prendre les rênes de l'Unedic. Et surtout pas les caciques de l'UIMM, ébranlée par l'affaire des caisses noires, que la patronne des patrons a écartés de ce mandat". Bref, c'est le début du renouveau tant annoncé.

Geoffroy Roux de Bézieux ne porte pas de cravate : il est moderne

Cet article du Monde est l'occasion de dresser le portrait type de ces nouveaux patrons qui vont rénover le vieux capitalisme à la française. Tout d'abord l'entrepreneur moderne a des idées modernes. Ainsi va Geoffroy. "Il défend une morale des affaires et veut redorer l'image de l'économie de marché en France". La morale, l'éthique, jusqu'au bout des ongles. Cependant le vrai combat de Geoffroy n'est pas là. Celui qui a voté Sarkozy en 2007 est un vrai rebelle et s'assigne une mission : "Si j'ai un combat à mener, c'est qu'Olivier Besancenot et la LCR ne fassent pas 10 % en France".
Par ailleurs, Geoffroy est un patron qui a du cœur. Car c'est bien une caractéristique essentielle de ces nouveaux patrons que de savoir s'engager dans des causes justes. Rappelez-vous de ces patrons citoyens qui s'engageaient pour la régularisation des sans papiers et venaient les défendre comme ce patron de société de nettoyage qui n'hésitait pas à affirmer : "Je suis dégoûté, je suis obligé de refuser des chantiers. Je les ai tous perdus. Je ne trouve personne d'aussi compétent pour les remplacer. Les vrais Français ne veulent pas de ce travail. C'est trop dur." Geoffroy aussi a ses œuvres. Lui c'est les orphelins d'Auteuil. Un véritable sacerdoce pour ce "catholique convaincu", une autre caractéristique de ces nouveaux patrons.
Enfin, Geoffroy est riche, mais il vit comme tout le monde. Il réside "dans un hôtel particulier à Neuilly - pas dans la zone du facteur Besancenot -, mais ne multiplie pas les signes ostentatoires de richesse. Il roule en scooter, ne possède pas de montre de valeur, ne collectionne pas les tableaux et peut s'habiller très mal". Diantre!
Enfin le patron gentil est homme de médias. Il se doit d'y être à l'aise, à l'image de notre "chevalier du libéralisme" qui tient une chronique sur Canal+. La journaliste du Monde la trouve "un peu café du commerce". Geoffroy rétorque : "Pour convaincre, il faut faire simple". Le Monde ne peut qu'acquiescer.


La révolution est en marche, camarade, et c'est le Monde qui assure le Service Après Vente.
Le capitalisme est bon par essence. Il n'y a que de mauvais patrons. Mais ils sont en voie de disparition. Dorénavant tu te feras exploiter gentiment.

Alors reste tranquille!

8 commentaires:

Jean-Pierre Martin a dit…

CAC 40 ! CAC 40 ! Ouais ! Ouais!

Anonyme a dit…

Il est excellent le Geoffroy, on dirait un peu le type qui donne la réplique à Bernard Tapie sur scène...

Anonyme a dit…

Si si, il y en a qui osent encore les défendre les patrons ancienne génération, l'excellent Guy Sorman par exemple qui officie régulièrement chez TaddéÏ dans ce soir ou jamais sur France3, alors lui il est d'un ridicule : avec lui effectivement les patrons sont gentils, ils nous veulent tous du bien...

Anonyme a dit…

Un homme qui déteste OB et la LCR ne saurait être tout à fait mauvais. En plus il est capable de s'habiller mal, si c'est pas une preuve ça.

Enfin le Grand Soir ! De nouveaux patrons, une nouvelle économie, un nouveau marché mondialisé, un nouveau droit du travail. Nous voulions la révolution, ils l'ont faite. Merci.

Et pour les pisse-froids, une révolution est un parcours circulaire, il est donc tout à fait normal, nécessaire et sain que demain ressemble à avant-hier. Nous n'avons pas fini d'explorer les joies du XIXè siècle, mais la communication sera résolument moderne.

Anonyme a dit…

: : :
bientôt 10 ans de contractualisation au sein du service public, rentré à 25 ans et depuis, pas un mois sans entendre que la tique de tel service part bientôt en retraite et qu'après ça ira mieux . . . ben voyons : POUR UN SERVICE PATRONAL VIVE LE MEDEF PUBLIC . (et pendant ce temps là.....

Anonyme a dit…

Dominique, 47 ans, patron d'une TPE. Je n'adhère pas à ce ramassis d'enculés du MEDEF. Des noms comme Parisot, Lagardère, Bouygues me donnent plutôt envie de gerber. Si tout va bien nous serons une quinzaine d'ici un an. Nous distribuons de l'intéressement, nous n'avons pas attendu que cet abruti de Sarkozy nous apprenne à motiver nos collègues à coup de participation. Nous avons d'un commun accord refusé que je gagne plus de 2x plus que le salaire le moins élevé de la société.Je suis un nouveau patron !

Jean-Pierre Martin a dit…

Monsieur vous n'êtes pas un patron, vous êtes un gauchiste ! (et comme disait l'autre il y a aussi des poissons volants...)

Vous savez, si vous ne donnez pas l'exemple en humiliant vos salariés, en hurlant vos ordres, en gagnant 200 fois plus que le salaire médian et que vous refusez d'utiliser de temps en temps le bâton, vos salariés un jour vont vous bouffer le bras sans que vous vous en rendiez compte.

Je le sais, j'ai eu un chien.

Anonyme a dit…

C'est bien simple : il y a des gens qui ne méritent pas d'être patron.

Un patron volant ça existe ? Je ne suis pas bien sûr de la terminaison.