Il ne s'agit pas ici d'accabler le sportif de haut niveau en lui resservant les déclarations débiles ("l'important c'est les 3 points") faites à chaud au sortir d'un match éprouvant. Les torts, dans ces cas-là, étant largement partagés avec les journalistes sportifs et leurs inénarrables questions d'après-match.
Le but (si j'ose dire) est de s'interroger sur la conscience politique des footballeurs professionnels : vous me direz, le match va être vite plié, ils n'en ont pas. Ma contre-attaque arguera que c'est une idée reçue savamment orchestrée, mais qu'il faut savoir passer le premier rideau défensif pour s'immerger au cœur de cette conscience sportive.
La première constatation est que les sportifs professionnels de haut niveau répugnent à parler politique. Déjà, car il est dans l'air du temps de dédaigner "le politique" et surtout car leurs diverses activités commerciales (pubs, sponsors) risqueraient de pâtir de prises de positions tranchées. Ils bâtissent donc une sorte de catenaccio pour défendre l'intimité de leurs prises de position. Cependant, se compromettre avec des marques qui n'hésitent pas à faire travailler les enfants (Nike, Adidas...) ou qui licencient à tour de bras (Danone,..) est déjà un geste politique. De ce point de vue, ces fils de pub que sont Zidane et toute la génération post-98 sont plus proches de Sarkozy que de Besancenot.
Ce positionnement supposé à droite sur l'échiquier politique est bien sûr déterminé par un souci de classe. La plupart des pros ont des préoccupations de nouveau riche, et lorsqu'un footballeur ose prendre position, c'est généralement pour dénoncer la pression fiscale française, qui les "oblige" à s'expatrier. On se rappelle ainsi les déclarations de Robert Pires, nous tirant presque des larmes à l'évocation de son "exil forcé" loin des brimades fiscales d'une France socialiste (rappelons que apparemment l'Angleterre n'était pas l'eldorado fiscal rêvé, puisque le club londonien d'Arsenal a été obligé de mettre en place un habile système de rémunération de ses stars tels Pires, Henry ou Wenger sur des comptes off-shores pour extorquer le fisc anglais).
Il n'est ainsi pas étonnant de retrouver dans les soutiens de Nicolas Sarkozy, nombre de footballeurs (retraités ou en activité) séduits par la politique de cadeaux fiscaux aux plus riches : Paul Le Guen, Grégory Coupet, Basile Boli, Eric Di Méco, David Ginola ("Sarkozy dit tout haut ce que beaucoup de français pensent tout bas"), Bruno Bellone, Daniel Bravo, Christian Lopez...
Autant d'arguments qui font pencher l'image du joueur de haut niveau vers un incurable égoïste, qui ne réfléchit pas plus loin que le bout de ses intérêts. Si vous ajoutez à ça les réflexions de comptoir de Guy Roux (en parlant d'un arbitre autrichien arbitrant une équipe allemande "Moi de mon temps, l'Allemagne et l'Autriche c'était le même pays"), on n'est pas loin de dessiner l'image d'un débile profond. Voire d'un fasciste assumé, si l'on se réfère au salut mussolinien de Di Canio au public romain.
Et pourtant, pourtant...
Les plus illustres footballeurs se sont parfois révélés les plus engagés politiquement et socialement. Comme si la conscience venait avec le talent.
Prenons pour preuve la carrière de Johan Cruyff, joueur hollandais mythique des années 70. Lors de son transfert en Espagne en 1973, il préfére signer au FC Barcelone plutôt qu'au Real Madrid soutenu par Franco. Son passage en Espagne sera alors agrémenté d'exploits sportifs et de gestes politiques, les deux se mêlant parfois. Ainsi, dès sa première saison en Espagne, Cruyff remporte le championnat grâce notamment à une victoire d'anthologie 5-0 face au Real à Santiago Bernabeu, l'antre du club franquiste. Quelques jours plus tôt, la naissance de son fils était l'occasion d'un autre affront à la dictature franquiste, puisqu'il le prénommait Jordi, un prénom catalan et donc interdit. Cruyff illustrera encore ce lien indéfectible qu'il entretient avec le peuple catalan en décidant de dédicacer une photo aux 113 membres de l'assemblée de Catalogne emprisonnés dans les geôles franquistes. Ainsi, Johan Cruyff a intimement lié sa carrière à ses convictions politiques. Le point d'orgue fut sa décision de boycotter la coupe du monde 1978 dans l'Argentine des militaires. Il renonçait ainsi au titre suprême au nom de ses convictions.
A moindre titre, les engagements du retraité Maradona auprès du président vénézuélien Hugo Chavez montre un footballeur plus intéressé par la politique internationale que par la gestion de sa fortune. Si l'on se rappelle en plus l'initiative originale qu'il avait prise avec Eric Cantona de monter un syndicat international de joueurs, à l'heure de l'individualisme forcené (initiative qui échoua d'ailleurs), on peut réellement parler de conscience politique chez le dieu Diego.
Un Maradona qui se retrouvera malgré lui héros politique de toute une nation à l'heure de la revanche des Malouines lors d'un Angleterre-Argentine mythique sur tous les plans (but de la main, but d'anthologie) de la coupe du monde 1986.
On pourrait multiplier les exemples comme le soutien apporté par l'attaquant de Liverpool Robbie Fowler aux dockers en grève (geste pour lequel il sera sanctionné par la fédération anglaise) ou les places offertes par Lilian Thuram aux sans-papiers de Cachan. Autant d'exemples qui permettent d'écarter définitivement la thèse du football comme sport réactionnaire.
Par contre le football peut s'avérer un formidable outil d'analyse des orientations politiques des hommes et des peuples qui le pratiquent. Car la manière dont on y joue peut parfois en dire plus long qu'un grand discours.
à venir : "comment la tactique en 3-5-2 révèle des tendances autocratiques" et "les résurgences du fascisme dans le catenaccio italien des années 60".
vendredi 28 mars 2008
Le football de haut niveau rend-il con?
Publié par Monsieur Bernard à 17:05:00
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17 commentaires:
C'est pas "escroquer" plutôt que "extorquer" ?
J'ai appris un nouveau mot ... mais ça manque de femmes.
et catenaccio, me dis pas que tu connaissais ?
@Monsieur Bernard
Afin de lever définitivement le doute, et rendre un peu moins cons nos lecteurs, pourriez-vous une fois pour toutes nous expliquer clairement la règle du hors-jeu ?
Dans quels cas sanctionne-t-on le hors-jeu de position ?
Je réponds à la place de Mr Bernard qui est parti faire du ski au Luxembourg (m'a t-il dit).
Il faut sanctionner tous les hors-jeu de positions erronées ou dissimulées d'un licenciement à sec et de 37 jours de taule. Comme pour Jérôme Kerviel.
Ça devrait stopper l'extorsion fiscale.
Le foot rend-il con?
Pas tout à fait, il y a un gros potentiel au départ. Et il est bien exploité.
Tout le système est foireux (pas seulement qu'en foot mais là, c'est porté à son paroxysme).
Dès leur plus jeune âge, les footeux sont soumis à la pression et à la compétition, avec des centaines d'entraîneurs contradictoires sur le bord du terrain - dont les heureux parents du petit Maradona, Beckam ou autre.
Et dans ce genre de système, il n'y a pas de place pour les losers, les petits gars qui aiment le foot, mais qui doivent céder les bons ballons aux vedettes - et qui finissent vite sur la touche.
Alors, après, il y a les petits clubs, où ça se castagne en fin de match (quand ils ont la patience d'attendre), où fusent les noms d'oiseau de toutes parts et où l'arbitre a tout intérêt à filer à l'anglaise avant le lynchage final.
Et plus on grimpe, plus il y a de fric à la clé. Et plus les stades et les portefeuilles sont remplis.
Alors, cela ne pousse pas à l'humilité, tout ça.
Alors que c'est un sport d'équipe, il n'y a plus que des individualités et des gros égos.
Si on ajoute à cela un environnement peu propice à la réflexion sur le monde tel qu'il est, on se demande même comment on a pu trouver deux-trois exceptions dans cet océan de vanité.
Et en France, il y a l'avant-98 et l'après.
Je ne répugnais pas à regarder des matchs de foot à l'époque mais quand je vois ce que c'est devenu et l'exploitation de tous ces cerveaux disponibles, je n'arrive plus à trouver crédibles ces gambettes poilues qui s'agitent sur le terrain pour gagner en une heure et demie ce qu'un citoyen lambda n'économisera pas dans toute une vie.
Ni à m'intéresser à ces hommes sandwichs qui commencent par remercier leur sponsor et M'sieur Martinez avant de penser aux autres (je ne parle même pas de leurs profs, dont ils n'ont souvent pas eu le temps d'apprécier les compétences).
Bon, on l'aura compris, je ne suis pas tout à fait impartiale.
(Pareil pour les JO).
J'ai lu sur Actu chômage que le kop du PSG avait accueilli récemment le club de Lens avec une banderole chic et choc de 25m sur laquelle était inscrit: "Chômeurs, pédophiles, consanguins". Elégant, non?
Comme sont élégantes les attaques racistes constantes dont se scandalisent du bout des lèvres les responsables et les médias quand ils ne peuvent plus se taire.
Contrairement à d'autres sports, le foot rend les spectateurs agressifs et il n'y a, hélas, aucun garde-fou. A part le fric.
Voilà pour ma contribution d'entraîneuse sur la touche ;-).
@s0l0xal
on dit escrorsion
@emcee
Entraîneuse ??? Les salauds, ils ne reculent devant rien.
@Mr Bernard
Après tout c'est vrai, emcee a raison, pourquoi préciser "de haut niveau" ?
Effectivement, le football amateur pratiqué sur les terrains bosselés des villages ou en bas de immeubles véhiculent malheureusement encore un certain nombre de valeurs obsolètes comme le plaisir du jeu, le projet collectif ou la solidarité. De même, il est assez désolant que, alors qu'on s'évertue à fermer tous les services publics, le match du dimanche crée encore et toujours du lien social, alors qu'on serait si bien chez soi à regarder Michel Drucker. Que les gens se rencontrent à la messe, pourquoi pas, au stade du village c'est une hérésie. Quand je pense à tous ces gauchistes de bénévoles qui sapent le travail de la droite en forçant les enfants à jouer au foot, c'est dégeulasse.
Il est temps de réhabiliter la pensée de Philippe Val, qui n'avait pas de mots assez forts pour fustiger ces beaufs avinés et racistes amateurs de ballon rond. Comme quoi il m'arrive d'être d'accord avec les penseurs de la gauche radicale.
Tiens donc, pour ma part je n'ai jamais eu besoin d'aller passer une soirée au foot pour avoir une touche avec une entraîneuse, mais la tradition des ballets roses n'est hélas plus ce qu'elle était.
Le lien social tissé qui permet d'aller péter la gueule aux enculés de la cité de l'équipe d'en face est en effet fort gouleyant. Il permet de se ressourcer en regardant télé-foot plutôt que Drucker, d'ailleurs pourquoi choisir ? J'aime bien les cumulards, comme pour les jetons de présence.
Quand je pense que cette ordure sacrilège de Desproges osait prétendre qu'il n'y avait qu'un être susceptible d'être plus kon qu'un joueur de foot : un supporter de foot. Il est tout de même rassurant de constater que ce sont les billets sur le foot qui font le plus de commentaires ; il faudrait voir à mixer avec du cul.
L'est pas bô mon point-virgule ?
Le Golf est le véritable miroir de la société : un sport qui défend les valeurs de la nature, car on marche dessus quand on joue, c'est un sport d'équipe, car on a toujours un petit domestique avec soi pour porter le matériel qui peut parfois s'avérer trop lourd. Quand aux trous à combler, pour un financier comme moi, c'est une seconde nature.
Quelque part, nous sommes tous des fils de putt.
@ti_cyrano
Il est tout de même rassurant de constater que ce sont les billets sur le foot qui font le plus de commentaires ; il faudrait voir à mixer avec du cul.
Nous sommes preneurs.
Comme le dit Nicolas Princen, "soyez créatifs"
"soyez créatifs"
Des hors-jeux de position ? Celle du missionnaire ne représenterait plus l'alpha et l'oméga de l'accroissement et de la multiplication des commentaires ? A chaque fois que je fais le test, je ne peux que déplorer d'être un évaluateur précoce.
@M Bernard,
Le foot que pratiquent les jeunes qui s'organisent tant bien que mal pour jouer, sur un terrain de fortune, dans les villages et les quartiers, n'a RIEN à voir avec le cirque médiatique et les milliards qui sont brassés sur les stades et à la télévision.
Quelle partie de ces milliards de milliards profite justement aux jeunes des quartiers et autres?
Que cela crée un lien social dans certains endroits, je veux bien, mais ce n'est pas une généralité. Loin de là.
De plus, ce n'est pas le foot que je dénigre (c'est, en soi, un beau sport), c'est ce qu'en ont fait les requins de la finance et les médias.
Quant à y voir un clivage gauche-droite, c'est un peu sommaire.
La plupart de mes amis, tous "gauchistes", ne rateraient pas un match pour tout l'or du monde et certains organisent également des rencontres pour les jeunes. Tout en ayant parfaitement conscience des dérives.
PS: Je vois que ma boutade sur les entraîneuses a réveillé les bas instincts de mâles qui sommeillent en chacun de vous ... Pas joli, joli, tout ça.
Bon, passez-moi le décapsuleur, au lieu de rigoler bêtement ;-).
Il est effectivement très agréable d'avoir dans ses relations des footeux non célibataires qui ne rateraient pas un match pour tout l'or du monde. Gôchistes ou UMP je m'en contrefous pourvu qu'elles soient douces. Qui eût cru que Marie-Charlotte se révélât d'un si agréable commerce pendant que Charles-Edouard manifestait en des terres froides et hostiles son légitime rejet de la pédophilie, du parasitisme et de la consanguinité en brandissant bien haut l'étendard de ses valeurs.
Mon seul regret est cette propension à vider les bières du frigo sous le ridicule prétexte qu'elles appréhendent le maniement du décapsuleur.
@emcee
Je vois que ma boutade sur les entraîneuses a réveillé les bas instincts de mâles qui sommeillent en chacun de vous
Comme quoi il faut toujours se méfier de l'humour des femmes...
Ah, vous retombez toujours sur vos pattes!
Un jour (proche, nous y travaillons), les femmes prendront le pouvoir et il ne vous restera plus que la kro pour pleurer.
Ah ben ça va être beau la démocratie, les femmes au pouvoir ben voyons. Quand on sait pas faire un créneau correctement on ne peut pas prétendre conduire la France, chère madame.
Oh, comme c'est petit!
Eh bien, on vous prendra comme chauffeurs. Si vous êtes en état de conduire, évidemment.
Ce qui n'est pas gagné!
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