mercredi 26 mars 2008

Pékin, Berlin même combat

"Personne ne réclame le boycott (...) Ne soyons pas plus tibétains que les tibétains". Cette prise de position courageuse de notre ministre des Affaires Etrangères Bernard Kouchner n'est pas sans précédent. Elle en a même un fameux, celui de 1936.


En 1931, Berlin et Barcelone s'affrontent pour l'obtention des jeux olympiques d'été de 1936. Mais le baron de Coubertin et les membres du CIO (déjà très progressistes) sont effrayés par la toute jeune république laïque espagnole et le vote bascule du côté de Berlin.




En 1933, c'est l'arrivée d'Hitler au pouvoir, et sa politique de redressement national est diversement appréciée par la communauté internationale. Les gauchistes de tout crin montent au créneau, intellectuels et sportifs se mobilisant pour réclamer le boycott des jeux fascistes. En France, la nouvelle fédération sportive de gauche (FSGT) (hé oui ça a existé) lance le slogan : Pas un sou, pas un homme pour les JO de Berlin !


On tente alors de monter des jeux olympiques alternatifs ( à l'image des jeux juifs de Tel Aviv en 1935).



Avec l'arrivée au pouvoir du Front Populaire en Espagne en février 1936 se concrétise l'idée d'organiser des Jeux Populaires à Barcelone à l'été 1936, qui viendront directement concurrencer les JO de Berlin. Cette annonce rencontre un écho formidable et de nombreux pays se préparent à envoyer un contingent de sportifs. La cérémonie d'ouverture est fixée au 19 juillet 1936.

En France, le Front Populaire accède au pouvoir en avril 1936 et semble disposer à soutenir pleinement l'initiative espagnole, malgré l'opposition de la droite qui soutient les JO de Berlin. Les épreuves de sélection en vue de Barcelone sont même organisées en mai à Paris en présence de Léo Lagrange, secrétaire d'état au sport.

Malgré tout, la participation des athlètes français aux JO de Berlin n'est pas tranchée. Léon Blum décide d'inscrire la question à l'ordre du jour de l'assemblée nationale (dont il détient la majorité rappelons le). Les débats sont vifs jusqu'au moment du vote qui a lieu le 9 juillet. La participation de la France est votée à une majorité écrasante, grâce à l'ensemble des voix de droite et... l'abstention de toute la gauche, sauf Pierre Mendès-France. Le péril gauchiste ne passera pas...(toute comparaison avec le vote du congrès pour la révision de la constitution du 4 février 2008 est nulle et non avenue...le traité constitutionnel européen est inévitable, soyons raisonnables).


Cependant, le 14 juillet, des sportifs du monde entier s'embarquent pour l'Espagne afin de participer à ces jeux d'un nouveau genre. Mais dans la nuit du 18 au 19 juillet, c'est le début du coup d'état franquiste et les combats commencent. Les jeux seront officiellement annulés le 23 juillet. De nombreux sportifs se joindront alors au peuple et prendront les armes pour défendre leurs privilèges (démocratie, liberté, etc...).

C'est la mort définitive d'une certaine idée du sport.



Le 9 août 1936 aura lieu la cérémonie d'ouverture des JO de Berlin présidée par Adolf Hitler, et les athlètes français y défileront bras tendu. L'ordre est revenu.



Juan Antonio Samaranch, ministre des sports de Franco en 1967, sera Président du CIO pendant des dizaines d'années.


Et désormais on ne risque plus de voir un sportif céder aux sirènes gauchistes. A l'image d'Alain Bernard, champion de natation, qui sait que "le boycott peut briser une carrière", et qui préfère laisser toutes ces affaires entre les mains des politiques. T'as raison Alain, toutes ces histoires de liberté, de droits de l'homme c'est bien trop sérieux pour un sportif. Laissons ça aux spécialistes de la realpolitik.

On n'est pas près de revoir un sportif comme Johan Cruyff renoncer à la coupe du monde 1978 pour des raisons aussi futiles que le refus de cautionner l'Argentine de Videla. Arrête de réfléchir et marque des buts. C'est bon pour la démocratie.





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