jeudi 13 mars 2008

Pour l'instauration du salaire imaginaire



Bonjour,

Je suis chef d'une entreprise cotée en bourse et ma préoccupation quotidienne consiste à m'enrichir personnellement, à satisfaire mes actionnaires et, enfin, à honorer mes salariés à défaut de satisfaire leur sempiternelles demandes d'augmentation en numéraire. (Si vous le permettez, je ne m'étalerai pas sur ma situation familiale mais soyez sans crainte, je suis les conseils avisés discutés ici et adaptés à nous, les hommes)

J'ai beau faire comprendre à mes gars qu'une demande d'augmentation est malvenue par les temps qui courent, ils persistent avec le concours des syndicalistes. Pour moi, faire un métier épanouissant suffit à être satisfait, le salaire n'étant là que pour faciliter la vie hors de l'entreprise. Ils devraient comprendre qu'il est facile de faire des économies dans le civil. J'ai quelques idées sur la question : ne pas sortir, manger léger, ne pas aller en vacances, ne pas tomber malade, ne pas avoir d'enfant, ne pas jouer aux jeux de hasard ...
En tant que chef d'entreprise, les économies, ça me connaît.

Quand on me demande une augmentation, c'est comme si on me disait : "patron, mon travail ne me plait pas donc il me faut une compensation financière". Je réponds donc naturellement : "si tu n'es pas épanoui ici, va t'épanouir ailleurs", une manière polie de dire casse-toi, pauvre con.

Alors j'ai eu l'idée de demander à un cabinet de conseil comment faire. Bien m'en a pris. Voici la solution (il suffisait d'y penser) : il faut rétribuer symboliquement les salariés. En bref, leur donner un salaire imaginaire. Une poignée de main par ci, un sourire par là, un mail d'encouragement le lundi, un autre de félicitation le vendredi. Le salarié qui se sent valorisé comptabilise inconsciemment les éloges dans la colonne des recettes. Ainsi, il évite d'interpréter mon silence pour du dédain et non pour ce qu'il est, du mépris.
L'homme est ainsi fait, ils m'ont dit. La propension de son orgueil le pousse à accueillir avec plaisir toutes les formes de flatterie, c'est pas de ma faute.

Au début, naïf, je croyais qu'il fallait dissimuler mon train de vie mais les conseillers m'ont expliqué : c'est tout le contraire qu'il faut faire. Leur en mettre plein la vue pour qu'ils sachent.

Qu'ils sachent quoi ?
Il n'y a rien à savoir. Ils doivent juste imaginer et ils comprendront que je suis quelqu'un d'important. Comme ça, ils se satisferont d'un petit geste de la main, d'un sourire et pour les meilleurs, d'un jeu à gratter et d'un pot de confiture et leur orgueil sera flatté. Ça coûte pas cher, c'est du "win-win".

C'est pas moi qui le dit, "Un roi ne peut payer que des récompenses la plupart du temps imaginaires, autrement il serait insolvable", c'est Simone Weil dans "la pesanteur et la grâce". Je dois être un peu philosophe sans le savoir mais ce qui est sûr c'est que je veux pas être insolvable.

Voilà, j'espère que ça peut vous aider un peu.

2 commentaires:

Jean-Pierre Martin a dit…

Ton entreprise, tu l'aimes ou tu la quittes !

Anonyme a dit…

alors tu la quittes...

Elle ne te paie de toute façon pas assez...

Si tout le monde fait comme toi, les patrons sont dans la panade et vive les syndicats...