samedi 1 mars 2008

"Je suis pour", le retour


Qui, ou plutôt quoi, le président de la République française violera-t-il en premier ? Notre Constitution dont, par sa fonction, il est le garant, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 ou la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? S'il parvient à imposer la rétroactivité au sujet de la loi sur la rétention de sûreté, comme il semble psycho-rigidement prêt à le faire, notre bon président saisirait une occasion unique, et historique, de réussir le grand chelem en violant les trois. Pour ce qui est de la Constitution, c'est assez simple, il lui suffira d'aller à l'encontre d'une décision du Conseil constitutionnel, comme il paraît le souhaiter maniaco-dépressivement. Quant aux deux textes poussiéreux (l’un fêtera ses 50 ans en décembre, et l’autre, on ne compte même plus), il suffit de les relire. Le quinqua nous dit (article 11) : « Il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis. » et le hors d’âge indique (article 8) : « Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
Mais peu importe puisque la une du « Figaro » le claironnait cette semaine : « 80 % des Français approuvent Nicolas Sarkozy ». Oui, vous avez bien lu : quatre Français sur cinq, certes interrogés pour le compte du « Figaro », se déclarent favorables à ce nouveau concept aberrant : la peine de prison reconductible, une sorte de CDD carcéral prolongé année après année, selon la dangerosité supposée du coupable. Ainsi, le détenu n’aura plus à se donner la peine de compter les jours qui le séparent de sa libération puisqu’il en ignorera la date. Ainsi, à la liste des dangereux récidivistes (car admettons-le, ils existent) viendront s’ajouter ceux que cette situation, synonyme de mort sociale, rendra fous et plus dangereux encore puisqu’ils se verront privés d’espoir et de toute chance de s’amender et qu’ils n’auront plus rien à perdre puisqu’on leur aura déjà tout pris. Sans doute conforté par les 80 % des Français du « Figaro », Bernard Carayon, député UMP du Tarn, a même proposé un referendum pour l’application immédiate de la loi. Une rapide enquête sur Google permet d’apprendre que le dénommé Bernard Carayon fut un temps membre du bureau des responsables nationaux du GUD.
Alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Quitte à s’attaquer à la Constitution, pourquoi ne pas rétablir la peine de mort ? Comme chacun sait, les mesures les plus impopulaires sont toujours prises au cœur de l’été. C’est ainsi que la France a ratifié le 1er août 2007 le protocole 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, interdisant la peine de mort en toutes circonstances et, par là même rendant anticonstitutionnel son (prompt) rétablissement. En effet, autour du débat sur cette loi, rôde le fantôme de la peine de mort : mêmes arguments et mêmes invectives (« oui, mais tu ne dirais pas ça, si c’était ta fille qui était violée », « mais comment peux-tu défendre la barbarie de ces monstres ? », etc.) Au soir du 6 mai 2007, on avait trouvé un rien pathétique ce concert de la Concorde qui fleurait bon les années Maritie et Gilbert Carpentier (grâce à Enrico Macias, Gilbert Montagné, Jane Manson et Mireille Mille Colombes). On ignorait alors que la rupture ferait revenir certains débats d’idées aux années Pompidou-Giscard au cours desquelles la poésie avait encore toute sa place comme le prouvent ces quelques vers : « Les philosophes, les imbéciles / Parc'que ton père était débile / Te pardonneront mais pas moi. / J'aurai ta tête en haut d'un mât » (Michel Sardou, Je suis pour).

2 commentaires:

Monsieur Bernard a dit…

"notre bon président saisirait une occasion unique, et historique, de réussir le grand chelem en violant les trois"..
Peut-on alors parler de serial-violeur?

Jean-Pierre Martin a dit…

80% des Français souhaitent la rétention de sûreté... pour lui !