L'entrée au capital de la chambre de compensation luxembourgeoise ouvre une nouvelle ère pour l'hebdomadaire satirique Français. En effet, jusqu'ici, la société par actions qui commandait aux destinées du journal était détenue majoritairement par Philippe Val et Cabu. Et ils ont décidé de vendre leurs parts à Clearstream qui détiendra désormais 51% du capital.
Hier soir, Philippe Val saluait la manne sans précédent qu'allait amener Clearstream qui "va garantir la survie et l'indépendance de Charlie". L'actionnaire Luxembourgeois va procéder à une augmentation de capital qui devrait permettre de faire grossir le tirage. Il est en outre évoqué la possibilité de transformer Charlie en hebdomadaire gratuit. "C'est en effet une des pistes explorée par le nouveau propriétaire" soulignait Philippe Val.
"C'est un événement sans précédent dans l'histoire de la presse Française" clamait Richard Malka, l'avocat des deux parties, après la signature du rachat. C'est lui qui avait mis en relation Philippe Val, alors à la recherche de nouveaux financements, avec les patrons de Clearstream, il y a de cela 3 ans maintenant.
Mais l'euphorie qui régnait hier soir dans les bureaux de la rue de Turbigo cachait mal les difficultés rencontrées pour aboutir à cet heureux dénouement.
Il y eut tout d'abord les réticences de Clearstream face à la réputation sulfureuse de l'hebdomadaire Français. "Il a fallu donner des gages de bonne conduite en quelque sorte" analyse Cabu. La direction de Charlie Hebdo va alors n'avoir de cesse de faire évoluer sa ligne éditoriale, "tout en gardant l'esprit Charlie" nuance le dessinateur. Tout s'est accéléré au moment de l'affaire des caricatures. "Ça a été le tournant" renchérit Bernard Maris, le rédacteur en chef. "Il a fallu brusquer la tradition du journal et certains collaborateurs, mais c'est à ça qu'on reconnaît les grands managers" précise le journaliste dans un hommage non-dissimulé à son patron. C'est à ce moment que la tradition contestataire de la rédaction s'est définitivement éteinte et que le futur actionnaire s'est trouvé rassuré, même si Philippe Val a dû redoubler d'efforts ces dernières semaines pour convaincre définitivement la chambre de compensation. L'édito sur Denis Robert et le licenciement de Siné achevèrent de séduire Clearstream.
Il ne restait qu'à convaincre la société des journalistes de Charlie Hebdo, dont le vote était rendu obligatoire par les statuts. D'après nos informations, les débats ont été âpres et la cession du journal n'a été entérinée qu'à une voix près, celle de Charb persiflaient les déçus d'hier.
Philippe Val appelait hier soir "les opposants au projet à se ranger sous la bannière de Clearstream ou à démissionner".
A ceux qui redoutent un "embourgeoisement" du journal, Philippe Val rétorquait : "Je préfère parler de modernisation. La presse a besoin de diversifier ses modes de financement. Et puis quand même, Clearstream, ce n'est pas un actionnaire comme les autres. Ça a un côté un peu provoc' que n'aurait pas renié Choron...".