Quelle mouche a donc piqué le gouvernement de Nicolas Sarkozy? Après deux ans cadeaux ininterrompus aux plus riches, la droite française semble avoir décidé de faire la chasse à la délinquance en col blanc, décrétée priorité nationale. Et le Medef de monter au créneau par la voix de sa présidente Laurence Parisot : "Nous sommes très troublés par ce virage idéologique. Cela nous rappelle les pires heures de l'ère soviétique!".
L'objet du courroux des patrons? Le projet de loi anti-bandes initialement défendue par le talentueux Christian Estrosi. Et notamment son article 1 : "Le fait de participer, en connaissance de cause, à un groupement, même formé de façon temporaire, qui poursuit le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre des violences volontaires contre les personnes ou des destructions ou dégradations de biens, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende." Car derrière ce vocabulaire volontairement flou, c'est bien les conseils d'administration qui sèment la terreur dans les entreprises qui sont visés. Michelin, Continental, Caisses d'Epargne, Molex, Aubade, Téléperformance....on ne compte plus le nombre de salariés victimes de ces bandes violentes de patrons assoiffés d'argent. Si bien qu'on se demande pourquoi à gauche, il ne s'est trouvé que le seul progressiste Manuel Valls pour défendre la loi.
Même si l'examen de la loi a été reporté sine die (un effet du lobbying du Medef?), l'inquiétude reste patente dans les milieux patronaux : "Que cherche t'on? A faire fuir les forces vives? Ce retour à la punition collective, au tout sécuritaire est très inquiétant ". Une angoisse renforcée par les amendements déposés par certains députés UMP, et notamment celui du bolchévique Christian Vanneste*, qui prévoit de créer un délit de harcèlement social : « Art. 222-18-3. – Aucune personne ne doit subir des agissements répétés de harcèlement social qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie susceptibles de porter atteinte à ses droits ou sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale. Le harcèlement social qui se manifeste par toute menace et toute intimidation réitérées de manière à porter atteinte à la jouissance réelle de ses droits par une personne est puni d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. ». A la lecture de l'amendement, Laurence Parisot a cru s'étrangler : "Mais que connaît cet homme au monde de l'entreprise? Ce qu'il appelle harcèlement social c'est tout simplement du management!".
Mais les jérémiades des voyous du Medef risquent de rester lettre morte. Car au-delà de la loi anti-bandes, c'est tout le logiciel sécuritaire de la droite qui semble bouleversé, comme en témoigne le discours de Nicolas Sarkozy du 28 mai. Un discours qui sonne comme une déclaration de guerre aux rentiers et autres actionnaires : «Des gens qui n'ont jamais travaillé de leur vie et qui pilotent des grosses voitures doivent répondre devant les services fiscaux, qui doivent pouvoir engager des poursuites pénales.» Cette volonté du président de s'attaquer à l'oisiveté et aux " signes extérieurs de richesse indue» peut surprendre de la part d'un amateur de Rolex et de vacances indécentes. Mais, face à la crise, il faut souligner le courage de notre président de se battre contre son milieu, contre ses amis, contre sa femme. Car comme il l'a rappelé : «La délinquance ne procède que très rarement de la souffrance sociale, mais simplement de l’attrait de l’argent facile. Ne vous laissez pas intimider par la dictature des bons sentiments». Et une pierre dans le jardin du Medef.
La nouvelle doctrine sécuritaire de la droite ne s'applique pas qu'aux seuls patrons. Elle n'hésite pas à s'attaquer à son habituelle clientèle politique. Ainsi, la volonté du président de "sanctuariser les établissements scolaires", en les mettant "à l'abri de toute violence", marque un changement de cap dans la politique éducative du gouvernement. Et résonne comme un désaveu pour Xavier Darcos. Multipliant depuis deux ans les suppressions de poste (avec une dernière annonce à 16 000), l'ex ministre de l'éducation nationale se retrouve sous la menace d'une sanction pénale d'autant plus forte, que «les violences commises sur un agent de l'éducation constitueront une circonstance aggravante».
Difficile de ne pas voir derrière un texte qui étend le délit de participation délictueuse à un attroupement en étant porteur d'une arme (3 à 5 années de prison et amende de 45.000 à 75.000 euros) à la personne qui, sans être porteuse d'une arme, participe volontairement à un attroupement où une ou plusieurs personnes portent des armes de manière apparente, la volonté de mettre fin à la terreur que font régner les chasseurs dans les campagnes françaises. De même, lorsque Nicolas Sarkozy déclare qu'«aucune rue, aucune cave, aucune cage d’escalier ne doit être abandonné aux voyous. Je souhaite une présence massive de la police dans ces quartiers et la multiplication des opérations coups de poings", il cible clairement les restaurateurs qui squattent l'espace public avec leurs terrasses et autres plages privées illégales.
Le gouvernement a donc décréter la fin de l'impunité qui ronge notre pays. Et sans doute faut-il deviner derrière son projet d'interdiction du voile intégral, la volonté de pénaliser ceux, politiques et journalistes, qui dissimulent derrière des écrans de fumée sécuritaire, les conséquences sociales de leurs actes. Ou qui tirent des voiles pudiques sur les magouilles pakistanaises du président à talonnettes.
*L'auteur de la brillante saillie : « L’homosexualité est une menace pour la survie de l’humanité […]. Je n’ai pas dit que l’homosexualité était dangereuse. J’ai dit qu’elle était inférieure à l’hétérosexualité. Si on la poussait à l’universel, ce serait dangereux pour l’humanité […]. Pour moi leur comportement est un comportement sectaire. Je critique les comportements, je dis qu’ils sont inférieurs moralement […] »