mercredi 25 février 2009

Le gang-bang territorial selon Balladur

Nicolas Sarkozy avait demandé à la commission Balladur de faire preuve "d'audace" pour proposer un redécoupage territorial de la France. Et ladite commission n'a pas lésiné pour simplifier le "mille-feuilles" des collectivités et redonner à notre pays une dynamique décentralisatrice. Alors que les élus locaux (et ceux du PS notamment) craignaient des coupes franches, avec la suppression annoncée de 7 régions, c'est un coup de tonnerre qui s'est abattu sur leurs têtes. Le rapport Balladur préconise le maintien de seulement deux grandes régions, la Nord et la Sud selon le découpage suivant :



La Région nord serait pilotée depuis Paris, tandis que la zone sud aurait pour capitale Vichy. Une réforme administrative accompagne ce redécoupage avec la suppression de tous les départements, et le maintien de seulement deux supra conseils régionaux. La Région Nord verrait ainsi sa présidence assurée directement par le président de la République, tandis que la Région Sud aurait à sa tête une personnalité nommée par le président (on parle de Brice Hortefeux pour la première mandature).

Édouard Balladur justifiait ses propositions par la nécessaire cohérence de la politique de la France : "La France doit parler d'une seule voix. Les collectivités locales ne doivent pas devenir des lieux de contestation, comme on a pu le voir avec le service minimum. Donc en plus de la simplification administrative et des économies générées, on a essayé d'introduire des principes de démocratie moderne et apaisée". Pour l'opposition, l'UMP est bien sûr la grande gagnante de ce redécoupage, puisque dans l'affaire elle récupère le contrôle total des régions malgré sa cuisante défaite électorale de 2004. Mais au parti présidentiel, on ne veut pas en faire un enjeu électoraliste. Ainsi, pour le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, la position socialiste "est une preuve de plus du conservatisme inébranlable de ce parti", qui cherche à défendre "ses petits intérêts électoraux".

"Maintenant que la commission a rendu son rapport, on va te ramener à la clinique ...A LA CLINIQUE!!"


A l'heure de la crise économique mondiale, la commission Balladur n'a pas confiné sa réflexion au seul hexagone. "La crise financière ne sera pas résolu sans une action européenne concertée. Et on voit bien que les institutions actuelles de l'Europe sont un frein à l'action géniale de Nicolas Sarkozy" a argué Édouard Balladur dans une allusion à peine voilée à la présidence européenne exercée par la Tchéquie. Ainsi le rapport Balladur se fend aussi de propositions innovantes et modernes quant au devenir territorial de l'Europe.

Le premier scénario prévoit : l'unification du Portugal et de l'Espagne, l'Anschluss(1), la réunification de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie, l'annexion des Sudètes par l'Allemagne et l'édification d'une grande Russie avec les frontières de l'ex-URSS.

Le second scénario redessine une France avec les frontières de 1811, et préconise le retour des grands empires, Austro-Hongrois, Ottoman et Russe.


"L'idée est vraiment d'inscrire la France et l'Europe sur la voie de l'efficacité. C'est pourquoi nous préconisons un pouvoir exécutif fort et unifié en Europe. Et peu importe qu'on l'appelle Empereur, Roi ou Führer" insistent les membres de la commission dans leur rapport. "Face à la crise, il n'est plus temps de tergiverser".

Grâce à l'audace d'Édouard Balladur, l'Europe du XXIe siècle est en marche.


(1) A ce propos, Guy Roux déclarait d'ailleurs il y a quelques années : "Mettre un arbitre autrichien pour arbitrer une équipe Allemande c'est scandaleux. Quand je suis né, l'Allemagne et l'Autriche c'était le même pays".

lundi 23 février 2009

Charlie Hebdo publie une caricature d'Obama en singe

Deux ans après l'affaire des caricatures de Mahomet, Charlie Hebdo tente une nouvelle fois de repousser les limites de la liberté d'expression. Le journal satirique a donc décidé de publier en France ce mercredi une caricature parue dans le New York Post, représentant des policiers abattant un singe en disant : «Ils vont devoir trouver quelqu'un d'autre pour rédiger le prochain plan de relance».

Le dessin du scandale

Même si cette charge se dirige directement contre Barack Obama, Philippe Val, le directeur de Charlie, refuse d'y voir une quelconque forme d'anti-américanisme primaire : "L’opinion française est travaillée par une sorte de racisme anti-américain auquel Bush servait de prétexte. Mais Charlie n'est pas dans cette optique. C'est plus un hommage à l'humour américain et une croisade contre la censure". Une croisade artistique à entendre le penseur Spinoziste : "Plus la démocratie recule, plus elle est victime du terrorisme. Elle doit donc préserver ses propres intérêts supérieurs, dont la liberté d’expression, au-delà des journaux. Ainsi, il y a la continuation de l’histoire de l’art, qui signe la vitalité d’une civilisation. La créativité est toujours au bord du scandale. Villon, Modigliani... La civilisation progresse par le commentaire scandaleux de ses propres canons classiques. Si cela s’arrête, elle se grippe, les libertés disparaissent. C’était l’enjeu des caricatures".

Pour le directeur de Charlie, la publication de ce dessin "s'inscrit dans une lutte globale contre le fanatisme. La chape de plomb de l'anticolonialisme, de l'antiracisme, conduit aux excès que l'on connaît : antisionisme, terrorisme comme actuellement en Guadeloupe. Charlie essaie de se battre avec ses armes pour défendre la démocratie et la liberté". Et il y voit même un acte de courage politique pour l'émancipation des noirs : "On accepte chez eux des comportements, des propos qu’on ne supporte pas, qu’on pénalise chez les Occidentaux. C’est un mépris. Il faut dire aux Noirs : faites un travail de mémoire (...) sinon vous n’édifierez pas de démocratie et ne profiterez donc jamais des richesses que vous pouvez produire". Pour Cabu, le seul critère de sélection est l'humour : "Peu importe que l'on tape sur les noirs, les arabes ou les chinetoques, l'important c'est que ce soit drôle". Et il ajoute : "Des gens comme Michel Leeb ou Lagaf ont été précurseurs dans ce domaine, et on tenait à leur faire un clin d'oeil".

"J'ai un très bon ami noir. J'en ai même trois!"

Le numéro de mercredi s'apprête donc à faire une nouvelle fois scandale en bousculant les réflexes pudibonds d'une certaine élite. C'est un dessin de Cabu qui a été retenu pour la couverture : il représente un membre du MEDEF Guadeloupéen s'exclamant : "C'est dur de faire travailler des singes". La rédaction de Charlie, malgré quelques dissensions, reste soudée pour affronter l'inévitable tempête judiciaire qui va secouer le bateau de la rue de Turbigo. "Les indigènes extrémistes ont en général assez peu d'humour. Pourtant il faut accepter la caricature et savoir rire de soi. C'est même la condition sine qua non d'une intégration réussie" renchérit Caroline Fourest.

Déjà de nombreuses manifestations de soutiens arrivent au journal. Ainsi, Nicolas Sarkozy et son fils Jean ont rappelé que la liberté d'expression et le droit à la caricature constituaient les piliers de notre démocratie : "Je préfère un excès de caricature de nègres à l'absence de caricature". Et le président de la République en a profité pour rappeler son engagement pour la discrimination positive. Le ministre de l'Intégration Eric Besson n'est pas en reste. "Les attaques contre Charlie Hebdo sont une nouvelle expression du chantage odieux au racisme pratiqué dans ce pays. C'est aussi absurde que de dire que les centres de rétention, la délation ou les tests ADN sont racistes".



Les journalistes sont sourds à toute tentative de pression

Même si elle reconnaît l'aspect choquant de la démarche, la presse française défend d'une seule voix sa liberté. Ainsi de Libération à Minute, en passant par Le Figaro ou Le Monde, les journalistes montent au front pour réaffirmer leur volonté de ne pas céder face aux menaces d'une minorité de fanatiques. Et Laurent Joffrin, dans son éditorial de Libération, y voit un signe d'indépendance : "C'est une nouvelle preuve de l'indépendance de la presse française. Jamais Edouard de Rotschild, Lagardère ou Dassault n'oseraient intervenir pour censurer un article un peu dur avec les noirs. Tout cela relève de la paranoïa".

Qu'il est doux d'écouter des cons!

jeudi 19 février 2009

Le général Bigeard nouveau médiateur pour la Guadeloupe

Alors que le conflit s'enlise en Guadeloupe, le gouvernement français a décidé de frapper fort pour ramener à la raison les émeutiers. En effet, le général Marcel Bigeard, 93 ans, a été désigné médiateur gouvernemental avec pour mission de ramener l'ordre et d'achever les négociations avec le LKP. "Il nous a semblé que seul un homme de sa trempe, avec toute son expérience, était capable de trouver une issue par le haut à cette crise" a déclaré François Fillon.


"On va défendre les Antilles Békés ongles"

Le recours au Général Bigeard peut apparaître comme une solution d'urgence face à la confusion qui règne sur l'île. Cependant, cette nomination couvait depuis près d'une semaine. Jusque là, le mouvement de grève baignait dans une indifférence polie, sous le regard paternaliste et bienveillant des médias. Mais, alors qu'Yves Jégo bouclait une négociation rondement menée, les rubiconds du LKP dans un acte irraisonné et jusqu'au-boutiste le franchissait ...le Rubicon : ils exigeaient une augmentation de 200 euros des bas salaires. Une véritable déclaration de guerre au MEDEF. Sentant pointer le danger de la contagion (car c'est bien une maladie la rougeole), le gouvernement rapatriait le soldat Jégo et changeait de tactique. C'est là que l'idée géniale de faire appel à l'ancien combattant d'Indochine et d'Algérie a germé dans l'esprit du président. Sorti de sa retraite à Toul, "au nom de l'intérêt supérieur de la Nation", le général a tout d'abord tenu un rôle de conseiller occulte avant de faire son coming-out ce matin.

Ainsi, c'est lui qui réorienté la communication gouvernementale. Grâce au soutien des médias dominants (toujours unis en temps de guerre), il a transformé les gentils grévistes luttant contre l'exploitation en des "bandes de jeunes, cagoulés, armés, parfois sous l'emprise de stupéfiants, pour certains âgés de 15 ans". De même, le combat contre la pauvreté et l'inégalité est devenu une vulgaire expression d'un "racisme anti-blanc". "Je ne pensais pas que l'opération médiatique réussirait si bien. Les médias ont été parfaits" déclarait en privé Marcel Bigeard dans l'avion qui l'emmenait vers les Antilles. La deuxième phase de son plan pouvait entrer en action : le pourrissement de la situation.


"Voilà à quoi doivent ressembler les Antilles après le départ de Bigeard"

C'est dans cette optique qu'il faut interpréter l'envoi de gendarmes supplémentaires sur l'île alors même que la situation était encore calme. "Il sufffit d'une petite étincelle pour mettre le feu au poudre" confiait il y a deux jours le militaire en retraite à Michèle Alliot-Marie. "Un ou deux tabassages par les forces de l'ordre, des incendies de magasins fort à propos, et on l'aura notre prétexte pour opérer une opération de maintien de l'ordre de grande ampleur". Et une fois de plus, le génie visionnaire de Bigeard s'est réalisé. Dans la nuit de mardi à mercredi, un syndicaliste tombait sous une balle. Le préfet et la ministre, tels des écoliers pris sur le fait, se dépêchaient de dédouanner la police. Tantôt on accusait des émeutiers ivres de violence, tantôt on criait à "l'assassinat" ou à la balle perdue. En vieux routier de la répression, Bigeard n'attend rien des résultats de l'enquête : "On se fout de qui a tué ce pauvre syndicaliste.Tant mieux si la police n'y est pour rien, ça nous laisse les mains libres pour régler le conflit". Un conflit qui fera d'autres victimes, car comme l'affime la presse, ce n'est que la "première" victime.

C'est donc ce matin que le premier ministre a officialisé la mission du Général Bigeard. "Il va reprendre la situation en main. Je pense qu'avec les méthodes qu'on lui connaît, et qui ont fait leurs preuves, le LKP devrait rapidement accepté les propositions qu'on va leur faire sur l'augmentation des salaires. Les discussions devraient être courtes" s'enthousiasmait le François Fillon. Si Marcel Bigeard est resté vague sur les moyens qu'il comptait employer pour sortir la Guadeloupe de l'ornière, il est permis de penser qu'il tentera d'appliquer les spécialités qui ont fait son succès en Algérie. Ainsi, il se murmure que des groupes électrogènes ont été embarqués à Orly, direction la préfecture de Pointe-à-Pitre. De même, des hélicoptères devraient être utilisés pour faire admirer le paysage aux syndicalistes récalcitrants. Une remise au goût du jour des "crevettes Bigeard" qui aura au moins le mérite de faire rire Silvio Berlusconi : "Ce dictateur argentin qui, pour éliminer ses opposants les mettait dans un avion avec un ballon, et ouvrait ensuite la porte en disant: 'c'est une belle journée dehors, allez jouer un peu'. Ca fait rire, mais c'est dramatique". Mais ça fait rire.

Les spécialités locales devraient servir aux sbires de Bigeard pour persuader les réfractaires


Du côté guadeloupéen, l'effroi de l'annonce a fait place à l'espoir. Comme le déclarait un membre du LKP au vu du palmarès de Bigeard : "On va souffrir le martyre pendant des années, mais normalement au bout du chemin, c'est l'indépendance".

lundi 16 février 2009

Chavez : un cas d'école

Une fuite à l'École Supérieure de Journalisme nous a permis de nous procurer l'examen final sur lequel plancheront les étudiants. Comme à l'accoutumée, les élèves s'attaqueront à un sujet d'actualité. Il s'agit cette fois de l'adoption de la réforme constitutionnelle au Vénézuela.


L'examen prend la forme d'un QCM,que nous reproduisons intégralement, corrigé inclus.


Examen Final : Le traitement médiatique de la réforme constitutionnelle au Vénézuela
Durée : 30 minutes

1) Quel groupe d'adjectif utiliseriez-vous pour définir Hugo Chavez?

a) ancien parachutiste putschiste, démagogue, populiste, Caudillo
b) autocrate, islamo-gauchiste, führer de Caracas
c) fin tacticien, roublard, truqueur
d) président du Vénézuela, révolutionnaire

2) Histoire du Vénézuela : qu'est ce que la révolution bolivarienne?

a) la satisfaction démagogique des bas instincts du peuple
b) une dictature violente et dangereuse pour l'équilibre du monde libre
c) un jeu chatoyant à une touche de balle que les colombiens appellent toque
d) l’art de rendre possible demain ce qui semble impossible aujourd’hui

3) Histoire du Vénézuela : quel coup d'état faut-il évoquer lorsque vous traitez du Vénézuela?

a) le coup d'état manqué de Chavez en 1992
b) le coup d'état permanent de la politique chaviste
c) le coup de force miraculeux qui verrait l'équipe nationale se qualifier pour la coupe du monde
d) le coup d'état contre le président Chavez de 2002

4) Comment qualifier la politique menée par la gouvernement vénézuelien?

a) un castrisme new-look
b) les soviets sans l'électricité
c) indigente : les infrastructures sportives sont désastreuses
d) la redistribution des richesses

5) Comment qualifier la politique étrangère chaviste?

a) des prises de position à l'emporte-pièce de la part d'un pays allié de Cuba et de l'Iran
b) une menace pour la démocratie qui mériterait une intervention militaire de l'OTAN
c) inexistante : aucune participation à la coupe du monde
d) une lutte contre l'impérialisme américain

6) Qu'est ce qui a fait baisser la pauvreté au Vénézuela?

a) la manne pétrolière
b) les préceptes du FMI et la manne pétrolière
c) les oligarques russes qui investissent dans les clubs de Caracas
d) une politique volontariste de réappropriation et de redistribution des richesses

7) Quel serait le titre approprié d'un article sur la réforme constitutionnelle au Vénézuela?

a) Hugo Chavez en route vers la présidence à vie
b) Hugo Chavez ou la tentation du pouvoir éternel
c) Pourquoi Maradona soutient un dictateur
d) La réforme constitutionnelle approuvée à une large majorité

8) Comment expliquer les tenants et les aboutissants de la réforme constitutionnelle au Vénézuela?

a) en donnant la parole à l'opposition au président Chavez
b) en donnant la parole à un expert du pentagone
c) en interviewant Maradona
d) en lisant le projet de réforme

9) Quelle photo pour illustrer votre papier?

a)
Hugo Chavez redéfinit la place de l'opposition

b)

Chavez symbole de l'islamo-gauchisme

c)
Maradona va trop loin

d)
Victoire du camp du oui


Corrigé :
Vous avez une majorité de a) :
Vous réussissez brillamment votre examen final. Vous êtes prêt pour une carrière de grand reporter au Monde, à Libération ou à Marianne. Sans convictions profondes, vous avez parfaitement intégré les rouages de la profession. Félicitations!


Vous avez une majorité de b) :
C'est encore une réussite totale. Vous vous prédestinez à une carrière d'éditorialiste engagé au Figaro ou au Point. A moins que vous n'ambitionniez de devenir le nègre de Philippe Val à Charlie Hebdo.

Vous avez une majorité de c) :
Aussi brillant que vos camarades mais moins flexible, France Football ou l'Equipe vous accueilleront à bras ouverts. Vous réserverez vos indignations aux erreurs d'arbitrage et au public de sauvageons qui siffle la Marseillaise.

Vous avez une majorité de d) :
Recalé. Aucun avenir dans le métier.

Exemple de corrigé.

vendredi 13 février 2009

Licencier plus pour gagner plus ou la moralisation du capitalisme

Nicolas Sarkozy vient d'entamer une nouvelle bataille dans sa lutte pour la refondation du capitalisme. On se souvient du combat acharné qu'il avait mené contre les banques françaises responsables du désastre financier. L'État leur fournissait les milliards nécessaires pour sauver leurs profits, mais les contreparties étaient redoutables : les dirigeants fautifs devaient renoncer à leurs bonus. Après bien des péripéties, le zorro de l'Élysée avait fini par leur faire rendre gorge. On croyait que le président se satisferait de cette victoire symbolique. C'était mal connaître le vengeur de Neuilly.

Moraliser le capitalisme, une vieille idée

Car au plan d'aide aux banques a succédé le plan d'aide à l'automobile. Une fois encore, le gouvernement a sorti de son chapeau des milliards pour sauver les constructeurs nationaux. Mais ce plan d'aide est loin d'être un cadeau. Car l'État exige toujours plus de contreparties. A l'image de ce qui a été fait pour les banques, les liquidités consenties aux entreprises doivent s'accompagner d'une rationalisation des coûts pour une gouvernance plus efficace. Pas question de prêter l'argent des français à perte. Les entreprises aidées doivent réduire drastiquement leur masse salariale. Et il n'est plus seulement question des salaires des dirigeants. Il faut dégraisser : "On est prêt à aider ces entreprises, à les sauver d'une lente agonie. Mais elles doivent jouer le jeu et revenir à plus de raison. Il n'y aura pas d'aide sans plan social, que ce soit bien clair" menaçait Nicolas Sarkozy. On entre dans l'ère du Licencier plus pour gagner plus. Les entreprises françaises ne peuvent pas se permettre de supporter des coûts de structure exorbitants qui les pénalisent dans la compétition mondiale. "Chaque entrepreneur doit se poser la question. Ai-je besoin de tous ces salariés? Ne peut-on pas en faire autant avec moins de gens? Tout le monde doit prendre ses responsabilités. Nous investissons massivement dans ces entreprises, nous leur offrons un droit du travail compétitif par rapport aux chinois; ils n'ont plus d'excuses". Il est vrai que depuis des années, la majorité UMP n'a pas ménagé ses efforts pour offrir à notre pays une législation du travail moderne et le délivrer du joug bolchévique. "Notre pays est plus libre" déclarait d'ailleurs récemment Laurence Parisot.

Malgré quelques réticences, après Natixis et les Caisses d'épargne, PSA et Renault ont consentis à effectuer les restructurations nécessaires. Ainsi, Renault supprimera cette année 12 000 postes. La France est sur la bonne voie.

Ensemble, mais pas trop nombreux quand même

Mais comme aime à le rappeler Nicolas Sarkozy, il est "le président de tous les chefs d'entreprise" et pas seulement des plus nuls. Car moraliser le capitalisme c'est aussi récompenser ceux qui réussissent. C'est le sens de la suppression de la taxe professionnelle : un petit coup de pouce aux profits. Pour montrer aux actionnaires que quoiqu'il arrive, il n'y a aucun risque à investir. Même si l'entreprise perd de l'argent, l'État se substitue. A tous les coups, on gagne. Le capitalisme est sauvé.

Cependant l'État se doit lui aussi d'être exemplaire. "Et il le sera" a renchéri le président. La réduction du nombre de fonctionnaires est ainsi la priorité de la réforme de l'État maintes fois promise. Un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé. Et l'éducation nationale continuera sa cure d'amaigrissement. A la limite de l'anorexie.

Le futur ministre de la moralisation du capitalisme

Quant aux conséquences sociales de sa politique économique, le gouvernement n'entend pas rester inactif face à la fatale montée des mécontentements. "En ces temps de crise aiguë, il est normal que la rue s'exprime. Et nous sommes à l'écoute" a expliqué le premier ministre. Dans la foulée, il annonçait la construction de nouvelles prisons et l'envoi en Martinique de renforts policiers.
Le capitalisme est sauvé.

lundi 9 février 2009

Madagascar 2

Grosse déception au rayon des sorties cinéma de la semaine avec la nouvelle production Disney, Madagascar 2, remake d'un film français confidentiel datant de 1947. La super production américaine souffre d'un manque cruel d'ambition malgré les moyens mis en œuvre. Les prouesses techniques ne rattrapent pas l'indigence du scénario : une banale lutte de pouvoir entre deux héros ambitieux, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina.

Les partisans d'Andry Rajoelina

Dans la scène charnière du film, la police aux ordres de Ravalomanana ouvre le feu sur une manifestation de partisans de son rival. On pense alors que le film va prendre une tournure dramatique et sortir le spectateur de l'ennui. Malheureusement, dans un souci très américain de satisfaire un public très large, le nombre de morts se limite à 28. Comble de l'indécence, le scénariste s'égare alors dans un moralisme de mauvais aloi, qui voit la ministre de la Défense de Ravalomanana démissionner. Le spectateur quitte la salle avant d'assister au traditionnel happy-end hollywoodien.

Passe encore la médiocrité de la réalisation, par ailleurs sanctionnée par une diffusion très limitée dans les grands médias. Le scandale réside dans la manière éhontée avec laquelle les studios Disney ont dévoyé le film français Madagascar 1947. Le remake n'est qu'une pâle copie de l'original qui était servi par un scénario brillant et inventif. Mais certainement pas assez politiquement correct pour la grosse machine hollywoodienne.

Madagascar 1947 : des milliers de figurants

Pour les plus jeunes d'entre nous qui n'ont pas connu cet âge d'or du cinéma français, le premier volet de Madagascar, sorti en 1947, narrait la répression sanglante par l'armée française d'une insurrection malgache indépendantiste. Et le réalisateur avait vu grand pour cette flamboyante fresque historique : 30 000 soldats français, guerre psychologique, torture, incendies de villages, des dialogues d'anthologie (« Il y a eu évidemment des sévices et on a pris des sanctions. Il y a eu également des excès dans la répression. On a fusillé un peu à tort et à travers » par Vincent Auriol, « l'avenir de Madagascar est indéfectiblement lié à la république française" par François Mitterrand)...et surtout près de 100 000 morts du côté des indigènes. Par ailleurs, la noirceur du film écartait tout angélisme puisqu'au bout du compte, la mission civilisatrice des "gentils " européens finissait par échouer devant l'abnégation aveugle des sauvages.

Malgré l'échec commercial de ce chef d'œuvre du 7ème art (encore aujourd'hui ce film est boudé par les critiques et le public), Madagascar 1947 a inspiré de nombreux réalisateurs. Ainsi les films Indochine et Algérie s'inscrivent dans la droite ligne des sagas civilisatrices de l'époque. Des films qui seront eux-aussi copiés par les américains avec notamment le fameux Vietnam des années 70.

Du grand art, de grands acteurs

Le Madagascar 2 de Disney, en dépit de son échec programmé, confirme le retour en force du cinéma de civilisation. La mode faisait déjà rage aux États-Unis depuis 2001, avec notamment les très réussis Irak et Afghanistan, et il semble que le genre s'étende à la vieille Europe. Depuis 2007 en France, une nouvelle génération de réalisateurs se penchent sur ces pépites oubliées du passé. Nicolas Sarkozy, notamment, opère une réhabilitation culturelle des grands colonisateurs et s'est entouré d'une équipe de techniciens brillants.

Après Bienvenue chez les cht'is, Coup de matraque en Guadeloupe

Il se murmure qu'Yves Jégo travaillerait à une saga antillaise en deux volets, Guadeloupe et Martinique, où d'impudents indigènes réclamant des hausses de salaires goûtent aux matraques citoyennes des gendarmes français. Prochainement dans vos salles.

lundi 2 février 2009

Abus de Droite

La suppression annoncée du juge d'instruction cumulée à la dépénalisation du droit des affaires sonnent la fin de l'abus de bien social. Une excellente nouvelle à l'heure où il est urgent d'engager notre pays sur la voie de la modernité. Ainsi, Alain Juppé, qui fut en son temps victime d'un Outreau politique, ne boude pas son plaisir : "C'est une aubaine pour la France et pour l'UMP. Le président et le gouvernement vont enfin pouvoir travailler en toute sérénité. Même au niveau local, l'horizon se dégage. Cela m'ouvre de grandes perspectives dans la gestion de ma belle ville de Bordeaux". Pour l'ancien premier ministre, c'est aussi "la marque d'une réconciliation à droite, entre chiraquiens et sarkozystes, sur le terrain des idées. Les mandats de Jacques Chirac à la ville de Paris avaient déjà intégré cette nécessaire évolution. Nous avions 30 ans d'avance".

Mais la nature a horreur du vide. Et les députés UMP aussi. "Il serait dommage de faire disparaître de notre code pénal le mot abus" plaide un député UMP. Ils ont ainsi décidé de réhabiliter la notion même d'abus, "trop longtemps salie par de petits juges mesquins". Pour remplir cette mission, ils ont mandaté le plus brillant d'entre eux, l'inénarrable Frédéric Lefebvre, dont la réflexion a accouché d'une idée de génie.

Le service minimum du shampooing tarde à se mettre en place

En inventant l'abus de droit de grève, le parlementaire UMP a trouvé le moyen de remplacer avantageusement l'abus de bien social. Et d'assimiler en une simple expression l'exercice d'un droit à un abus : "On peut parfaitement imaginer des sanctions financières contre des syndicalistes qui généreraient des dégâts pour la sécurité, ou ayant un coût économique pour la collectivité. Et on peut imaginer que soit engagée leur responsabilité personnelle(...) La meilleure protection du droit de grève, c'est la lutte contre les abus de ce droit sinon, c'est la population qui se révolte contre les abus".

"Ce n'est bien sûr qu'une première étape dans la rénovation de notre code de procédure pénale" s'est empressé d'indiquer le député Lefebvre. C'est en effet un vaste chantier que vient d'ouvrir la majorité. Dans les travées de l'assemblée on évoque déjà la future loi sur l'abus de droit de vote. Il s'agirait de punir (amendes, prisons avec sursis) les électeurs qui tenteraient de renverser la majorité et de faire ainsi obstruction aux réformes nécessaires. "Voter, ça doit permettre de porter un message politique, mais on ne doit pas le subir, (...) on ne doit pas être pris en otage, on ne doit pas être empêché de travailler par des électeurs inconséquents qui voudraient briser la logique libérale et clientéliste". La majorité pourrait mettre en place un "service minimum" du vote, avec réquisition d'électeurs contraints de voter UMP.

Ce n'est pas de l'abus de pouvoir, c'est du zèle

D'autres dossiers sont à l'étude, notamment le projet d'abus de droits de l'homme, visant à répondre notamment aux dérives qui émaillent la défense des sans-papiers et à protéger la surveillance généralisée de la population . "Si l'on veut protéger les droits de l'homme, il faut mettre en place un arsenal juridique qui lutte contre les abus" assène Frédéric Lefebvre. "Les droits de l'homme ont des limites. Et ces limites commencent là où débutent les intérêts vitaux de l'Etat et la sécurité de tous nos concitoyens". Une fois de plus, on pourrait voir émerger un "service minimum" des droits de l'homme, qui consisterait en un prélèvement ADN obligatoire pour tous les citoyens.

Le service minimum s'applique même au président

L'ensemble de ces mesures viennent compléter le dispositif législatif tissé depuis mai 2007, dont on ressent déjà aujourd'hui les effets concrets. Prenons par exemple la lutte sans merci menée contre les abus de droit aux allocations chômage; à l'heure de l'explosion du chômage sous l'effet volontariste de la politique de l'emploi de Nicolas Sarkozy (habilement rebaptisée crise), les économies générées par cette mesure sont gigantesques. Et c'est un peu de cet argent qui est reversé aux banques pour sauver le monde libre. Mais la plus grande réussite de cette législature reste sans conteste la loi contre les abus de droit du travail. Un chantier colossal qui, du temps de travail à la représentation syndicale, a été mené tambour battant.
Et qui permet d'affirmer que notre pays souffre maintenant d'un abus de Droite. Et aucun service minimum de l'intelligence n'est au programme.