A visage découvert

«Ceux qui manifestent pour leurs idées jamais ne dissimulent leurs visages.» C'est par ces mots que la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a justifié son projet de loi d'interdiction du port de la cagoule ou de tout autre élément permettant de se dissimuler dans la manifestation de ses convictions. Une loi qui pourrait avoir de sérieuses conséquences sur le fonctionnement de notre démocratie.

Manuel Valls en fait trop

En effet, tout citoyen se devra désormais d'afficher ouvertement ses orientations politiques. Les isoloirs disparaîtront donc des bureaux de vote et tout un chacun indiquera clairement ses préférences s'il ne veut pas être mis à l'amende. Même si les modalités ne sont pas encore définies, un amendement évoque la possibilité d'imprimer des tee-shirts du type "Je vote Sarkozy (ou Royal ou Schivardi)" dont le port serait obligatoire. D'ores et déjà, la mesure suscite l'indignation. Le député socialiste Manuel Valls est monté au créneau en invoquant la nécessaire confidentialité du vote "garante des libertés publiques" et admet en privé que "si cette loi est votée, ma carrière au PS est fichue". Eric Besson quant à lui, même s'il joue la solidarité gouvernementale, s'inquiète pour sa garde-robe : "Pourra t'on inscrire plusieurs noms sur les tee-shirts? Sera t'il possible d'en changer au milieu de la campagne? Certaines zones floues doivent être éclaircies".

Sarkozy portait un masque pour cacher sa calvitie

Malgré ces oppositions de principe, la proposition de loi est plutôt bien accueillie par les français. Ainsi, les syndicats de police se réjouissent de cette mesure qui devrait grandement leur faciliter la tâche : "Jusque là on travaillait surtout au faciès. Avec l'arrivée des tee-shirts, les procédures seront simplifiées" juge un officier. "Prenez l'affaire Coupat, avec les tee-shirts, on aurait au moins une preuve matérielle". Les chefs d'entreprise voient aussi d'un très bon oeil cet aspect du texte. Ainsi, Laurence Parisot se félicite "que le gouvernement tienne enfin compte des difficultés des entrepreneurs français en facilitant les entretiens d'embauche et surtout en simplifiant les licenciements".

Par ailleurs, les convictions religieuses entrent aussi dans le périmètre de la loi et devront être ostensiblement identifiables. Le port de croix, kippas, voiles et autres turbans devient donc obligatoire. Devançant l'inévitable levée de boucliers, la ministre de l'Intérieur a tenu à rassurer les ayatollahs de la laïcité : "Il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Les principes de la loi de 2004 se verront renforcés puisque dorénavant, ce sont tous les musulmans qui pourront être exclus de l'école". Le ministre de l'Education Nationale, Xavier Darcos, se félicite ainsi d'une mesure qui va dans le sens d'une "école de qualité".

Une vraie tête de déterré ce Brice Hortefeux

Mais l'application de cette loi risque aussi d'avoir des effets pervers. Car désormais plus question de dissimuler des lobbys industriels ou des intérêts privés derrière les députés et les ministres. Michèle Alliot-Marie admet qu'il y a là une difficulté et qu'il revient au conseil constitutionnel de trancher "car une application drastique de la loi, reviendrait à délocaliser le conseil des ministres au Conseil d'administration de Bouygues ou à déplacer l'assemblée au Fouquet's. Il faut raison garder pour la protection de la vie privée de nos élus".