Grosse déception au rayon des sorties cinéma de la semaine avec la nouvelle production Disney, Madagascar 2, remake d'un film français confidentiel datant de 1947. La super production américaine souffre d'un manque cruel d'ambition malgré les moyens mis en œuvre. Les prouesses techniques ne rattrapent pas l'indigence du scénario : une banale lutte de pouvoir entre deux héros ambitieux, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina.
Dans la scène charnière du film, la police aux ordres de Ravalomanana ouvre le feu sur une manifestation de partisans de son rival. On pense alors que le film va prendre une tournure dramatique et sortir le spectateur de l'ennui. Malheureusement, dans un souci très américain de satisfaire un public très large, le nombre de morts se limite à 28. Comble de l'indécence, le scénariste s'égare alors dans un moralisme de mauvais aloi, qui voit la ministre de la Défense de Ravalomanana démissionner. Le spectateur quitte la salle avant d'assister au traditionnel happy-end hollywoodien.
Passe encore la médiocrité de la réalisation, par ailleurs sanctionnée par une diffusion très limitée dans les grands médias. Le scandale réside dans la manière éhontée avec laquelle les studios Disney ont dévoyé le film français Madagascar 1947. Le remake n'est qu'une pâle copie de l'original qui était servi par un scénario brillant et inventif. Mais certainement pas assez politiquement correct pour la grosse machine hollywoodienne.
Pour les plus jeunes d'entre nous qui n'ont pas connu cet âge d'or du cinéma français, le premier volet de Madagascar, sorti en 1947, narrait la répression sanglante par l'armée française d'une insurrection malgache indépendantiste. Et le réalisateur avait vu grand pour cette flamboyante fresque historique : 30 000 soldats français, guerre psychologique, torture, incendies de villages, des dialogues d'anthologie (« Il y a eu évidemment des sévices et on a pris des sanctions. Il y a eu également des excès dans la répression. On a fusillé un peu à tort et à travers » par Vincent Auriol, « l'avenir de Madagascar est indéfectiblement lié à la république française" par François Mitterrand)...et surtout près de 100 000 morts du côté des indigènes. Par ailleurs, la noirceur du film écartait tout angélisme puisqu'au bout du compte, la mission civilisatrice des "gentils " européens finissait par échouer devant l'abnégation aveugle des sauvages.
Malgré l'échec commercial de ce chef d'œuvre du 7ème art (encore aujourd'hui ce film est boudé par les critiques et le public), Madagascar 1947 a inspiré de nombreux réalisateurs. Ainsi les films Indochine et Algérie s'inscrivent dans la droite ligne des sagas civilisatrices de l'époque. Des films qui seront eux-aussi copiés par les américains avec notamment le fameux Vietnam des années 70.
Le Madagascar 2 de Disney, en dépit de son échec programmé, confirme le retour en force du cinéma de civilisation. La mode faisait déjà rage aux États-Unis depuis 2001, avec notamment les très réussis Irak et Afghanistan, et il semble que le genre s'étende à la vieille Europe. Depuis 2007 en France, une nouvelle génération de réalisateurs se penchent sur ces pépites oubliées du passé. Nicolas Sarkozy, notamment, opère une réhabilitation culturelle des grands colonisateurs et s'est entouré d'une équipe de techniciens brillants.
Il se murmure qu'Yves Jégo travaillerait à une saga antillaise en deux volets, Guadeloupe et Martinique, où d'impudents indigènes réclamant des hausses de salaires goûtent aux matraques citoyennes des gendarmes français. Prochainement dans vos salles.
9 commentaires:
Clap, clap, clap.
Le film est en effet décevant, on n'y parle jamais du plan de relance de M. Sarkozy.
J'avais entendu parler des gens qui sourient faussement, seulement de la bouche, pas des yeux. Le sourire des salauds ultimes. Difficile à imaginer. Grace à la photo d'Aussaresse, j'ai enfin un exemple. Quelle star !
@Mémé
Il y a pourtant bien des exemples : le regard si adorablement rieur de Vladimir P. par exemple ..
J'en cite pas d'autres, ça tournerait à la délation maniaque, mais bon, maintenant que tu sais ...
Et tout récemment, ce superbe remake français de "Otan en emporte le vent". Ah...
Clap, clap, clap, bis!
Et merci pour tous les Malgaches qui l'ont toujours en travers du négationnisme français depuis toutes ces années!
Il a fallu que j'arrive en maîtrise, dans un département d'histoire des civilisations, avec accès à une bibliothèque de recherche, pour trouver, lors de mes recherches sur la Shoah, un petit bouquin consacré aux génocides du 20e siècle. Et là, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir Madagascar, 1947, un petit chapitre coincé entre tous les autres.
Jamais entendu parlé, ni au lycée, ni en fac. Des potes malgaches m'ont confirmé ensuite.
Depuis, je regarde l'histoire, telle qu'on l'enseigne à nos enfants, d'un autre œil.
Revoilà à l'oeuvre, à Madagascar, les effets globalement positifs de la colonisation, qui gagna 13 ans de répit grâce à la répression de l'insurrection de 1947...
Après le gaulliste Tsiranana pour la transition en douceur; Après l'amiral Ratsiraka qui aimait tant tirer dans la foule déjà et qui coule une paisible retraite à Neuilly sur Seine dans la banlieue parisienne, la vraie; Voici venir le démocratique Ravalomanana et son "Tikoland" malgache, du nom de sa société: La spoliation 2.0, à l'âge du numérique et du libéralisme, belle merde derrière un joli nom...
Que le prétendant soit du même bois, c'est probable, malheureusement!
Cher Jean-Pierre, merci pour vos billets toujouts brillants.
Dans celui-ci je regrette toutefois l'omission de la dernière superproduction en date "Gaza".
Pour moi un film qui n'a pas pris une ride. Traduit dans toutes les langues et qui continue de faire un carton: "Le Mépris".
Moi j'ai juste vu "les sous doués font de la politique".
J'aimerais bien voir "l'homme qui murmurait à l'oreille des Jego".
Je peux vous conseiller cette série avec notre Cloon(e)y national, Niko starkozy, il cartonne dans "Moins chère la vie".
Enregistrer un commentaire