vendredi 13 février 2009

Licencier plus pour gagner plus ou la moralisation du capitalisme

Nicolas Sarkozy vient d'entamer une nouvelle bataille dans sa lutte pour la refondation du capitalisme. On se souvient du combat acharné qu'il avait mené contre les banques françaises responsables du désastre financier. L'État leur fournissait les milliards nécessaires pour sauver leurs profits, mais les contreparties étaient redoutables : les dirigeants fautifs devaient renoncer à leurs bonus. Après bien des péripéties, le zorro de l'Élysée avait fini par leur faire rendre gorge. On croyait que le président se satisferait de cette victoire symbolique. C'était mal connaître le vengeur de Neuilly.

Moraliser le capitalisme, une vieille idée

Car au plan d'aide aux banques a succédé le plan d'aide à l'automobile. Une fois encore, le gouvernement a sorti de son chapeau des milliards pour sauver les constructeurs nationaux. Mais ce plan d'aide est loin d'être un cadeau. Car l'État exige toujours plus de contreparties. A l'image de ce qui a été fait pour les banques, les liquidités consenties aux entreprises doivent s'accompagner d'une rationalisation des coûts pour une gouvernance plus efficace. Pas question de prêter l'argent des français à perte. Les entreprises aidées doivent réduire drastiquement leur masse salariale. Et il n'est plus seulement question des salaires des dirigeants. Il faut dégraisser : "On est prêt à aider ces entreprises, à les sauver d'une lente agonie. Mais elles doivent jouer le jeu et revenir à plus de raison. Il n'y aura pas d'aide sans plan social, que ce soit bien clair" menaçait Nicolas Sarkozy. On entre dans l'ère du Licencier plus pour gagner plus. Les entreprises françaises ne peuvent pas se permettre de supporter des coûts de structure exorbitants qui les pénalisent dans la compétition mondiale. "Chaque entrepreneur doit se poser la question. Ai-je besoin de tous ces salariés? Ne peut-on pas en faire autant avec moins de gens? Tout le monde doit prendre ses responsabilités. Nous investissons massivement dans ces entreprises, nous leur offrons un droit du travail compétitif par rapport aux chinois; ils n'ont plus d'excuses". Il est vrai que depuis des années, la majorité UMP n'a pas ménagé ses efforts pour offrir à notre pays une législation du travail moderne et le délivrer du joug bolchévique. "Notre pays est plus libre" déclarait d'ailleurs récemment Laurence Parisot.

Malgré quelques réticences, après Natixis et les Caisses d'épargne, PSA et Renault ont consentis à effectuer les restructurations nécessaires. Ainsi, Renault supprimera cette année 12 000 postes. La France est sur la bonne voie.

Ensemble, mais pas trop nombreux quand même

Mais comme aime à le rappeler Nicolas Sarkozy, il est "le président de tous les chefs d'entreprise" et pas seulement des plus nuls. Car moraliser le capitalisme c'est aussi récompenser ceux qui réussissent. C'est le sens de la suppression de la taxe professionnelle : un petit coup de pouce aux profits. Pour montrer aux actionnaires que quoiqu'il arrive, il n'y a aucun risque à investir. Même si l'entreprise perd de l'argent, l'État se substitue. A tous les coups, on gagne. Le capitalisme est sauvé.

Cependant l'État se doit lui aussi d'être exemplaire. "Et il le sera" a renchéri le président. La réduction du nombre de fonctionnaires est ainsi la priorité de la réforme de l'État maintes fois promise. Un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé. Et l'éducation nationale continuera sa cure d'amaigrissement. A la limite de l'anorexie.

Le futur ministre de la moralisation du capitalisme

Quant aux conséquences sociales de sa politique économique, le gouvernement n'entend pas rester inactif face à la fatale montée des mécontentements. "En ces temps de crise aiguë, il est normal que la rue s'exprime. Et nous sommes à l'écoute" a expliqué le premier ministre. Dans la foulée, il annonçait la construction de nouvelles prisons et l'envoi en Martinique de renforts policiers.
Le capitalisme est sauvé.

lundi 9 février 2009

Madagascar 2

Grosse déception au rayon des sorties cinéma de la semaine avec la nouvelle production Disney, Madagascar 2, remake d'un film français confidentiel datant de 1947. La super production américaine souffre d'un manque cruel d'ambition malgré les moyens mis en œuvre. Les prouesses techniques ne rattrapent pas l'indigence du scénario : une banale lutte de pouvoir entre deux héros ambitieux, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina.

Les partisans d'Andry Rajoelina

Dans la scène charnière du film, la police aux ordres de Ravalomanana ouvre le feu sur une manifestation de partisans de son rival. On pense alors que le film va prendre une tournure dramatique et sortir le spectateur de l'ennui. Malheureusement, dans un souci très américain de satisfaire un public très large, le nombre de morts se limite à 28. Comble de l'indécence, le scénariste s'égare alors dans un moralisme de mauvais aloi, qui voit la ministre de la Défense de Ravalomanana démissionner. Le spectateur quitte la salle avant d'assister au traditionnel happy-end hollywoodien.

Passe encore la médiocrité de la réalisation, par ailleurs sanctionnée par une diffusion très limitée dans les grands médias. Le scandale réside dans la manière éhontée avec laquelle les studios Disney ont dévoyé le film français Madagascar 1947. Le remake n'est qu'une pâle copie de l'original qui était servi par un scénario brillant et inventif. Mais certainement pas assez politiquement correct pour la grosse machine hollywoodienne.

Madagascar 1947 : des milliers de figurants

Pour les plus jeunes d'entre nous qui n'ont pas connu cet âge d'or du cinéma français, le premier volet de Madagascar, sorti en 1947, narrait la répression sanglante par l'armée française d'une insurrection malgache indépendantiste. Et le réalisateur avait vu grand pour cette flamboyante fresque historique : 30 000 soldats français, guerre psychologique, torture, incendies de villages, des dialogues d'anthologie (« Il y a eu évidemment des sévices et on a pris des sanctions. Il y a eu également des excès dans la répression. On a fusillé un peu à tort et à travers » par Vincent Auriol, « l'avenir de Madagascar est indéfectiblement lié à la république française" par François Mitterrand)...et surtout près de 100 000 morts du côté des indigènes. Par ailleurs, la noirceur du film écartait tout angélisme puisqu'au bout du compte, la mission civilisatrice des "gentils " européens finissait par échouer devant l'abnégation aveugle des sauvages.

Malgré l'échec commercial de ce chef d'œuvre du 7ème art (encore aujourd'hui ce film est boudé par les critiques et le public), Madagascar 1947 a inspiré de nombreux réalisateurs. Ainsi les films Indochine et Algérie s'inscrivent dans la droite ligne des sagas civilisatrices de l'époque. Des films qui seront eux-aussi copiés par les américains avec notamment le fameux Vietnam des années 70.

Du grand art, de grands acteurs

Le Madagascar 2 de Disney, en dépit de son échec programmé, confirme le retour en force du cinéma de civilisation. La mode faisait déjà rage aux États-Unis depuis 2001, avec notamment les très réussis Irak et Afghanistan, et il semble que le genre s'étende à la vieille Europe. Depuis 2007 en France, une nouvelle génération de réalisateurs se penchent sur ces pépites oubliées du passé. Nicolas Sarkozy, notamment, opère une réhabilitation culturelle des grands colonisateurs et s'est entouré d'une équipe de techniciens brillants.

Après Bienvenue chez les cht'is, Coup de matraque en Guadeloupe

Il se murmure qu'Yves Jégo travaillerait à une saga antillaise en deux volets, Guadeloupe et Martinique, où d'impudents indigènes réclamant des hausses de salaires goûtent aux matraques citoyennes des gendarmes français. Prochainement dans vos salles.

lundi 2 février 2009

Abus de Droite

La suppression annoncée du juge d'instruction cumulée à la dépénalisation du droit des affaires sonnent la fin de l'abus de bien social. Une excellente nouvelle à l'heure où il est urgent d'engager notre pays sur la voie de la modernité. Ainsi, Alain Juppé, qui fut en son temps victime d'un Outreau politique, ne boude pas son plaisir : "C'est une aubaine pour la France et pour l'UMP. Le président et le gouvernement vont enfin pouvoir travailler en toute sérénité. Même au niveau local, l'horizon se dégage. Cela m'ouvre de grandes perspectives dans la gestion de ma belle ville de Bordeaux". Pour l'ancien premier ministre, c'est aussi "la marque d'une réconciliation à droite, entre chiraquiens et sarkozystes, sur le terrain des idées. Les mandats de Jacques Chirac à la ville de Paris avaient déjà intégré cette nécessaire évolution. Nous avions 30 ans d'avance".

Mais la nature a horreur du vide. Et les députés UMP aussi. "Il serait dommage de faire disparaître de notre code pénal le mot abus" plaide un député UMP. Ils ont ainsi décidé de réhabiliter la notion même d'abus, "trop longtemps salie par de petits juges mesquins". Pour remplir cette mission, ils ont mandaté le plus brillant d'entre eux, l'inénarrable Frédéric Lefebvre, dont la réflexion a accouché d'une idée de génie.

Le service minimum du shampooing tarde à se mettre en place

En inventant l'abus de droit de grève, le parlementaire UMP a trouvé le moyen de remplacer avantageusement l'abus de bien social. Et d'assimiler en une simple expression l'exercice d'un droit à un abus : "On peut parfaitement imaginer des sanctions financières contre des syndicalistes qui généreraient des dégâts pour la sécurité, ou ayant un coût économique pour la collectivité. Et on peut imaginer que soit engagée leur responsabilité personnelle(...) La meilleure protection du droit de grève, c'est la lutte contre les abus de ce droit sinon, c'est la population qui se révolte contre les abus".

"Ce n'est bien sûr qu'une première étape dans la rénovation de notre code de procédure pénale" s'est empressé d'indiquer le député Lefebvre. C'est en effet un vaste chantier que vient d'ouvrir la majorité. Dans les travées de l'assemblée on évoque déjà la future loi sur l'abus de droit de vote. Il s'agirait de punir (amendes, prisons avec sursis) les électeurs qui tenteraient de renverser la majorité et de faire ainsi obstruction aux réformes nécessaires. "Voter, ça doit permettre de porter un message politique, mais on ne doit pas le subir, (...) on ne doit pas être pris en otage, on ne doit pas être empêché de travailler par des électeurs inconséquents qui voudraient briser la logique libérale et clientéliste". La majorité pourrait mettre en place un "service minimum" du vote, avec réquisition d'électeurs contraints de voter UMP.

Ce n'est pas de l'abus de pouvoir, c'est du zèle

D'autres dossiers sont à l'étude, notamment le projet d'abus de droits de l'homme, visant à répondre notamment aux dérives qui émaillent la défense des sans-papiers et à protéger la surveillance généralisée de la population . "Si l'on veut protéger les droits de l'homme, il faut mettre en place un arsenal juridique qui lutte contre les abus" assène Frédéric Lefebvre. "Les droits de l'homme ont des limites. Et ces limites commencent là où débutent les intérêts vitaux de l'Etat et la sécurité de tous nos concitoyens". Une fois de plus, on pourrait voir émerger un "service minimum" des droits de l'homme, qui consisterait en un prélèvement ADN obligatoire pour tous les citoyens.

Le service minimum s'applique même au président

L'ensemble de ces mesures viennent compléter le dispositif législatif tissé depuis mai 2007, dont on ressent déjà aujourd'hui les effets concrets. Prenons par exemple la lutte sans merci menée contre les abus de droit aux allocations chômage; à l'heure de l'explosion du chômage sous l'effet volontariste de la politique de l'emploi de Nicolas Sarkozy (habilement rebaptisée crise), les économies générées par cette mesure sont gigantesques. Et c'est un peu de cet argent qui est reversé aux banques pour sauver le monde libre. Mais la plus grande réussite de cette législature reste sans conteste la loi contre les abus de droit du travail. Un chantier colossal qui, du temps de travail à la représentation syndicale, a été mené tambour battant.
Et qui permet d'affirmer que notre pays souffre maintenant d'un abus de Droite. Et aucun service minimum de l'intelligence n'est au programme.