Nicolas Sarkozy vient d'entamer une nouvelle bataille dans sa lutte pour la refondation du capitalisme. On se souvient du combat acharné qu'il avait mené contre les banques françaises responsables du désastre financier. L'État leur fournissait les milliards nécessaires pour sauver leurs profits, mais les contreparties étaient redoutables : les dirigeants fautifs devaient renoncer à leurs bonus. Après bien des péripéties, le zorro de l'Élysée avait fini par leur faire rendre gorge. On croyait que le président se satisferait de cette victoire symbolique. C'était mal connaître le vengeur de Neuilly.
Car au plan d'aide aux banques a succédé le plan d'aide à l'automobile. Une fois encore, le gouvernement a sorti de son chapeau des milliards pour sauver les constructeurs nationaux. Mais ce plan d'aide est loin d'être un cadeau. Car l'État exige toujours plus de contreparties. A l'image de ce qui a été fait pour les banques, les liquidités consenties aux entreprises doivent s'accompagner d'une rationalisation des coûts pour une gouvernance plus efficace. Pas question de prêter l'argent des français à perte. Les entreprises aidées doivent réduire drastiquement leur masse salariale. Et il n'est plus seulement question des salaires des dirigeants. Il faut dégraisser : "On est prêt à aider ces entreprises, à les sauver d'une lente agonie. Mais elles doivent jouer le jeu et revenir à plus de raison. Il n'y aura pas d'aide sans plan social, que ce soit bien clair" menaçait Nicolas Sarkozy. On entre dans l'ère du Licencier plus pour gagner plus. Les entreprises françaises ne peuvent pas se permettre de supporter des coûts de structure exorbitants qui les pénalisent dans la compétition mondiale. "Chaque entrepreneur doit se poser la question. Ai-je besoin de tous ces salariés? Ne peut-on pas en faire autant avec moins de gens? Tout le monde doit prendre ses responsabilités. Nous investissons massivement dans ces entreprises, nous leur offrons un droit du travail compétitif par rapport aux chinois; ils n'ont plus d'excuses". Il est vrai que depuis des années, la majorité UMP n'a pas ménagé ses efforts pour offrir à notre pays une législation du travail moderne et le délivrer du joug bolchévique. "Notre pays est plus libre" déclarait d'ailleurs récemment Laurence Parisot.
Malgré quelques réticences, après Natixis et les Caisses d'épargne, PSA et Renault ont consentis à effectuer les restructurations nécessaires. Ainsi, Renault supprimera cette année 12 000 postes. La France est sur la bonne voie.
Mais comme aime à le rappeler Nicolas Sarkozy, il est "le président de tous les chefs d'entreprise" et pas seulement des plus nuls. Car moraliser le capitalisme c'est aussi récompenser ceux qui réussissent. C'est le sens de la suppression de la taxe professionnelle : un petit coup de pouce aux profits. Pour montrer aux actionnaires que quoiqu'il arrive, il n'y a aucun risque à investir. Même si l'entreprise perd de l'argent, l'État se substitue. A tous les coups, on gagne. Le capitalisme est sauvé.
Cependant l'État se doit lui aussi d'être exemplaire. "Et il le sera" a renchéri le président. La réduction du nombre de fonctionnaires est ainsi la priorité de la réforme de l'État maintes fois promise. Un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé. Et l'éducation nationale continuera sa cure d'amaigrissement. A la limite de l'anorexie.
Quant aux conséquences sociales de sa politique économique, le gouvernement n'entend pas rester inactif face à la fatale montée des mécontentements. "En ces temps de crise aiguë, il est normal que la rue s'exprime. Et nous sommes à l'écoute" a expliqué le premier ministre. Dans la foulée, il annonçait la construction de nouvelles prisons et l'envoi en Martinique de renforts policiers.
Le capitalisme est sauvé.